« Quand le cinéaste Michel Zumpf a demandé à Delphine Dora de composer de la musique pour son film Oeil Oignon, elle a enregistré pas loin de 14 morceaux. La plupart des musiques n’apparaissent pas dans le film, sauf « la chasse à l’enfant », « les vignes » et « Vezelay I ». On peut désormais écouter les 14 titres sur sa page Bandcamp. Ces morceaux sont superbes et méritaient de sortir de leur secret. »
(David f presents)
Toute la musique composée, jouée, et enregistrée par Delphine Dora
exceptée la chasse à l’enfant qui est une libre ré-interprétation
d’un poème de Jacques Prévert qui évoque la mutinerie d’août 1934 à la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer. Le poème, mis en musique par Joseph Kosma, a été interprété par Marianne Oswald et enregistré en 1936.
Revue & Corrigée (par Michel Henritzi) :
« Rarement une musique nous replonge dans le passé qui fuit comme celle de Delphine Dora, chacune de ses notes réveille un écho évanescent en nous, remémore une ancienne mélodie oubliée dans le tourbillon de la vie, liée à notre enfance, une grappe de notes fragiles, vacillantes. Chacun d’entre nous y retrouvera un fragment de sa vie suspendue dans le souvenir, comme avant elle, la musique de Satie pouvait nous y entrainer, arrêter l’aiguille de nos horloges. Il y avait cet album aussi « Desertshore » de Nico, et cette chanson inouïe « Le Petit Chevalier », qui semblait nous appeler de notre enfance. « La Chasse à l’Enfant » en serait le miroir mélancolique, suite de notes au piano s’écoulant dans notre salon comme autant de poussières jouant dans la lumière du crépuscule, un orgue obscurcissant l’image. On pourrait aussi évoquer Brigitte Fontaine, celle de « Comme à la Radio », Hector Zazou et Joseph Racaille (ZNR), Andrew Chalk ou Richard Youngs, si Delphine Dora avait besoin de compagnonnage autre que celui de son piano, de sa voix et de la poésie qui guide ses doigts sur le clavier. Ses lectures l’ont accompagné dans sa musique, en ont dessiné les ambiances, combien de poètes ont prêter leurs mots à sa voix : Walt Whitman, Georg Trackl, John Millington Synge, Sylvia Plath … Ces écrivains, poètes, conteurs, l’accompagnent sans doute encore dans l’obscur cheminement de la création musicale, elle continue d’improviser sur ce vieux piano bourgeois, l’orgue ecclésiaste, ses bacchanales païennes, populaires, fantômatiques, évoquant autant les minimalistes américains que l’école française des Debussy, Fauré, Ravel. Chaque miniatures comme ces « Tout autour de l’ile » semble là pour arrêter le temps, ai-je déjà entendu cette mélodie ou est-ce une autre qui m’enlace. Il y a comme un frottement entre les notes lentes et notre mémoire paresseuse. « La Basilique » pièce pour orgue et cloches nous réveille de notre rêverie, le fantôme de Nico passe, le chant muet. Le piano reprend « Vezeley », comme un cours d’eau courant dans la lande, se dissipant dans le brouillard, une autre ombre y passe, celle de Satie, un éloge à la lenteur. Nous finirons par disparaitre comme chacune de ces notes, l’une après l’autre suspendue dans l’air, restera le silence.
« La Chasse à l’Enfant » a été composé originellement pour accompagner les images du cinéaste Michel Zumpf pour son film « Oeil Oignon ». Dans une autre chambre de sa maison, à coté de ses albums, Dora produit d’autres artistes qui mériteraient de sortir de l’ombre médiatique à travers son label Wild Silence : Krotz Strüder, Monte Isola, Empty Vessel, Bruno Duplant, Jackie Mac Dowell … Ecoutez aussi son album « L’inattingible » sur Three-Four, elle s’y entoure de clarinette, hautbois, accordéon, saxophone, harmonium, zither, violoncelle, synthétiseur, d’un orchestre de chambre qui pare ses chansons de tissus chatoyants et doux. Fermez les yeux, nous sommes en partance. »